D’Andy Warhol à Banksy : 8 pochettes d’albums mémorables créées par de grands artistes

D’Andy Warhol à Banksy : 8 pochettes d’albums mémorables créées par de grands artistes

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© Jean-Baptise Mondino ; Roy Nachum

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Par Lise Lanot

Publié le

Quand la musique s'acoquine avec la peinture, le dessin et la photo : retour sur 8 couvertures d'albums hautement arty.

Les frontières entre les domaines artistiques sont poreuses. Une chanson allie le pouvoir auditif d’une composition musicale à la puissance littéraire de ses paroles (et on parle, évidemment, autant d’Alain Bashung que de Jul). Depuis le siècle dernier, musiciens et musiciennes jouent et collaborent avec les arts visuels, afin de créer des clips et album covers qui décrivent le mieux leur univers. 

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De 1959 à 2015, voici une sélection de huit pochettes d’albums réalisées par des photographes, artistes contemporain·e·s, peintres et street artistes, qui ont aidé à ajouter des délices visuelles aux notes.

The Velvet Underground & Nico et Andy Warhol, (1967)

“The Velvet Underground & Nico” de The Velvet Underground et Nico, 1967.

En 1967, The Velvet Underground sortait son premier album, accompagné de la chanteuse Nico. Andy Warhol, qui produisait le disque, est également à l’origine d’une couverture devenue mythique, autant pour son créateur que pour ce qu’elle renfermait.

Sur les premières versions de l’objet, le dessin de la banane était un autocollant affublé de la sensuelle mention : “Peel slowly and see” (“Épluchez lentement et voyez”). Une fois découverte, la pochette donnait à voir une banane épluchée. La pochette ne présentait pas le nom du groupe sur le verso, mais seulement celui de l’artiste, preuve supplémentaire, s’il en fallait, de sa mé(ga)lomanie.

Patti Smith et Robert Mapplethorpe (1975)

“Horses” de Patti Smith, 1975.

La relation amoureuse entre Patti Smith et Robert Mapplethorpe fut courte, mais leur relation amicale n’en aura pourtant jamais été ébranlée. De leurs débuts, anonymes et sans le sou à New York, jusqu’à la mort de Mapplethorpe, en 1989, la musicienne et le photographe sont restés très proches, sentimentalement et artistiquement.

C’est d’ailleurs à son ami de toujours que Patti Smith fait appel pour réaliser la couverture de son premier album, Horses, sorti en 1975. La chanteuse y apparaît en noir et blanc, dans un style androgyne (qui contrastait beaucoup avec les images habituelles des jeunes chanteuses de l’époque), soutenant du regard l’objectif du photographe. Prise en photo en lumière naturelle, dans un loft de Greenwich, Patti Smith a plus tard affirmé que sa pose était un mélange volontaire “entre Baudelaire et Sinatra”.

Billie Holiday et David Stone Martin (1959)

“All or Nothing at All” de Billie Holiday, 1959.

David Stone Martin est à l’origine de la création de plus de 400 pochettes d’albums. Ses dessins ont illustré les œuvres de certain·e·s des plus grands musicien·ne·s du XXe siècle, à l’instar d’Ella Fitzgerald, Fred Astaire ou encore Billie Holiday.

En 1958, il réalise la couverture de l’album All or Nothing at All, enregistré en studio par Billie Holiday. Son portrait en noir et blanc de l’artiste, yeux fermés et visage entre les mains, est taché de rouge, pour un résultat puissant et dramatique, qui rappelle la force vocale et émotionnelle de la voix de l’immense chanteuse de jazz.

Peech Boys et Keith Haring (1983)

“Life Is Something Special” des Peech Boys, 1983.

Malgré son décès prématuré, Keith Haring a durablement marqué le monde de l’art grâce à sa carrière prolifique, ses personnages tout droit sortis du graffiti et du pop art et son militantisme. Dans les années 1980, les œuvres de l’artiste américain étaient partout, dans le métro, sur des T-shirts, dans des livres (à l’instar du très beau Love), ainsi que sur de nombreuses pochettes d’album.

Keith Haring a entre autres collaboré avec David Bowie (pour l’illustration de son titre “Without You”, présent sur l’album Let’s Dance), Sylvester (pour Someone Like You), Malcolm McLaren (pour Duck Rock) ou encore Bipo (pour Crack is Wack). Nous avons ici sélectionné l’œuvre créée pour l’album Life Is Something Special des Peech Boys, un groupe new-yorkais dont les sonorités électro – qui emplissaient le club Paradise Garage – étaient en parfaite adéquation avec l’artiste.

Aretha Franklin et Andy Warhol (1986)

“Aretha” d’Aretha Franklin, 1986.

Avant de réaliser la pochette d’Aretha, le 31e opus d’Aretha Franklin qui contient son tube “Respect”, Andy Warhol avait déjà collaboré avec The Velvet Underground (en 1967, voir plus haut) et les Rolling Stones (en 1971, pour Sticky Fingers et son image d’entrejambe cintré dans une paire de jeans). Rompu à l’exercice, c’est cela dit, la première fois que l’artiste new-yorkais représentait directement le visage de l’artiste en question. 

Le portrait diffère beaucoup de ceux dans lesquels la reine de la soul avait l’habitude d’apparaître, elle fixe l’objectif et son visage est coloré de traits lui conférant un air très 80’s, dans l’air du temps. Cette sérigraphie constituerait la dernière œuvre réalisée par Andy Warhol, qui meurt en 1987, un an après sa réalisation. En plus de la pochette, le tableau est visible au MoMA, à New York.

Prince et Jean-Baptiste Mondino (1988)

“Lovesexy” de Prince, 1988.

Le photographe de mode et réalisateur de clips Jean-Baptiste Mondino raconte avoir été pris de passion pour Prince et sa musique, bien avant que ce dernier ne lui propose de collaborer. Un avant la mort du musicien, aux Rencontres d’Arles 2015le photographe est revenu sur la genèse d’une pochette (censurée dans certains pays) qui aura marqué les esprits et pour laquelle il a plus ou moins eu carte blanche : celle de l’album Lovesexy, sorti en 1988. 

“Nous étions en studio, à Minneapolis et il m’a dit qu’on partait le lendemain à Los Angeles, en me proposant de faire la pochette. On était censés parler et trouver une idée dans l’avion. En fait, nous n’étions pas ensemble, et à Los Angeles, il me propose de le voir dans un club le soir. Là, il y avait son entourage de Los Angeles : Sheila E., Mike Tyson… La soirée avance, j’avais l’angoisse de ça, avec un studio que je venais de réserver. Tard, Prince me dit qu’on en parlera au petit déjeuner.

Je n’ai évidemment pas dormi de la nuit. J’ai donc été à l’essentiel de l’enfant de chœur : la chapelle Sixtine. Il a un discours un peu apocalyptique, ‘Sign Of The Time’, 1999, avec en même temps un discours tantrique, où il parle de spiritualité et de sexualité. J’ai fait un petit dessin dans la nuit : j’étais parti sur l’idée d’un nu. Le matin, il me dit : ‘C’est parfait.’

Le soir même, on a sélectionné pour ne garder qu’un Ekta, avec lequel je suis rentré à Paris. Là, pour la première fois, j’ai utilisé du matériel numérique, j’ai scanné cette photo et j’ai utilisé la seule machine qui pouvait faire de la retouche à Paris. C’était mon ami Kiki Picasso qui l’avait eue en démonstration. Prince a pris l’avion et on s’est tous retrouvés dans la cuisine, avec les mômes qui cavalaient et les bodyguards. Au final, Prince a tout ‘destroyé’ [détruit] et puis il m’a dit : ‘Je crois que ce que tu as fait avec les fleurs, c’est ce qu’il y a de mieux.’ La pochette est sortie et elle a été refusée dans pas mal d’États. C’est, par excellence, une image religieuse.”

Blur et Banksy (2003)

“Think Tank” de Blur, 2003.

En 2003, le groupe Blur obtient du mystérieux street artiste Banksy qu’il réalise la pochette de son septième album enregistré en studio, Think Tank. La couverture, signée par un graffeur connu pour ses fresques murales réalisées de façon anonyme et son refus de monétiser ses œuvres, en avait étonné plus d’un·e.

L’artiste britannique soutient pour autant dans son documentaire Banksy: the Man Behind the Wall que la commande n’est pas une preuve qu’il s’était “vendu” :

“J’ai fait quelques trucs pour payer mes factures et oui, j’ai fait la cover de Blur. C’était un bon disque et un bon paquet d’argent. Je pense que la distinction est très importante. Si on fait quelque chose parce qu’on y croit, même si c’est quelque chose de commercial, ça ne le transforme pas automatiquement en merde.”

Quatre ans après la sortie de l’album, l’œuvre originale est vendue aux enchères pour 75 000 livres sterling (ce qui équivaut aujourd’hui à plus de 85 000 euros). Commerciales ou non, les œuvres de Banksy finissent toujours par valoir de l’or, à son grand désarroi

Rihanna et Roy Nachum (2015)

“Anti” de Rihanna, 2015.

Grâce à la couverture de l’album Anti de Rihanna, l’artiste contemporain new-yorkais Roy Nachum a eu l’honneur d’être nommé pour la meilleure pochette de l’année à la 59e cérémonie des Grammy Awards, en 2017. Sa création rouge et blanche est dans la continuité du reste de son œuvre récente, qu’il travaille avec de l’écriture braille.

L’image présente une interprétation de la chanteuse enfant, un ballon noir à la main (“une métaphore d’un échappatoire à la réalité”, selon Roy Nachum) et une couronne lui barrant le regard (“un symbole de pouvoir et de succès qui aveuglent les gens et ne leur fait plus voir les vraies valeurs et les choses importantes de la vie”).

Les deux artistes semblent avoir été complètement conquis l’un par l’autre. Rihanna a confié que cette pochette était “sa préférée de tous les temps”, tandis que Roy Nachum a déclaré être honoré d’avoir travaillé avec la musicienne, qu’il décrit comme “une artiste brillante et fantastique, une vraie visionnaire”.

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