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Grâce à un artiste, des œuvres d’art pillées viennent “hanter” les musées

Grâce à un artiste, des œuvres d’art pillées viennent “hanter” les musées

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© Courtesy Michael Rakowitz/Rhona Hoffman Gallery, Chicago

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Par Lise Lanot

Publié le

Depuis quinze ans, Michael Rakowitz recrée des œuvres pillées pour mettre les musées occidentaux face à leurs actions.

Alors qu’il avait 10 ans, la mère de Michael Rakowitz l’a emmené, lui et son frère, dans la galerie assyrienne du British Museum. Ébahi face à des bas-reliefs venant du palais de Ninive (situé aux alentours de l’actuelle Mossoul), le petit garçon d’origine irakienne s’est senti fier de découvrir que son peuple était à l’origine de “la première bande dessinée de l’histoire”, représentant la chasse au lion d’Ashurbanipal. L’exaltation a rapidement été remplacée par une interrogation, soulevée par sa mère : “Qu’est-ce que cela fait ici ?”.

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“Cela nous a aidés à prendre conscience que les musées n’étaient pas que de courtois reliquaires d’objets qui avaient été échangées entre les cultures, mais que ces derniers avaient été violemment arrachés. C’était un musée, mais aussi un palais du crime”, résume l’artiste, près de quarante ans plus tard.

Michael Rakowitz, détail de la série “The Invisible Enemy Should Not Exist”, 2020. (© Courtesy Michael Rakowitz/Rhona Hoffman Gallery, Chicago)

L’invasion irakienne par les États-Unis fait réfléchir l’artiste, une fois adulte, et le pousse à créer un projet participatif au long cours, débuté en 2006 : The Invisible Enemy Should Not Exist. Michael Rakowitz prend pour point de départ les objets volés dans le pays de sa mère, “plus de 8 000 artefacts pillés du musée national d’Irak”. Il imagine que ces œuvres pillées pourraient revenir hanter les musées occidentaux.

Quelques années plus tard, il intègre à son projet les bas-reliefs du palais de Nimrud, pillés dans les années 1800. Le palais en question a été détruit par Daesh en 2015. Michael Rakowitz souhaite ainsi mettre en lumière l’asymétrie entre “la façon dont l’Ouest assigne de la valeur à des objets venant de cette partie du monde” et “la dévaluation des populations venant de ces mêmes endroits”.

Michael Rakowitz, détail de la série “The Invisible Enemy Should Not Exist”, 2020. (© Courtesy Michael Rakowitz/Rhona Hoffman Gallery, Chicago)

Une réflexion sur la décolonisation

L’artiste recréé les bas-reliefs à l’échelle, modifiant quelque peu leurs couleurs puisque “les fantômes prennent toujours une apparence un peu différente pour revenir hanter un endroit”, glisse-t-il. Les objets reprennent vie grâce à des emballages alimentaires de produits irakiens, qui deviennent une “peau” affichant visiblement leur origine. Ces produits ne parviennent que très rarement jusqu’aux États-Unis puisque “la culture irakienne y est invisible, sauf pour parler de la guerre et du pétrole”. 

Avec ce projet, l’artiste juif irakien souhaite également refléter les migrations humaines : “Ces artefacts ont été arrachés à leur pays de la même façon que la famille de ma mère a été arrachée à sa patrie”, ajoutant que sa famille a subi une “pression d’assimilation” à son arrivée aux États-Unis. 

Michael Rakowitz, détail de la série “The Invisible Enemy Should Not Exist”, 2020. (© Courtesy Michael Rakowitz/Rhona Hoffman Gallery, Chicago)

“Mes grands-parents étaient des artistes conceptuels à leur façon : tout chez eux était en rapport avec l’Irak, ce qu’il y avait sur le sol, aux murs et surtout ce qui sortait de la cuisine.” Michael Rakowitz s’inspire de cette façon de faire revivre un pays, une culture, grâce à des objets. Son projet offre aussi une réflexion sur la décolonisation, qui doit selon lui s’accompagner d’un discours “de réparation et de prise de responsabilité”.

En mettant ses œuvres en situation, il souhaite placer le public “à la place d’un Irakien” et montrer à quel point de nombreuses populations ont été privées de leur histoire et sont placées face à un récit lacunaire. Sur 8 000 œuvres pillées au Musée national irakien, Michael Rakowitz et son studio en ont reproduit 900 : “C’est un projet qui nous survivra”, affirme-t-il, plein d’espoir pour l’avenir.

Michael Rakowitz, détail de la série “The Invisible Enemy Should Not Exist”, 2020. (© Courtesy Michael Rakowitz/Rhona Hoffman Gallery, Chicago)

Michael Rakowitz, détail de la série “The Invisible Enemy Should Not Exist”, 2020. (© Courtesy Michael Rakowitz/Rhona Hoffman Gallery, Chicago)

Michael Rakowitz, détail de la série “The Invisible Enemy Should Not Exist”, 2020. (© Courtesy Michael Rakowitz/Rhona Hoffman Gallery, Chicago)

Michael Rakowitz, détail de la série “The Invisible Enemy Should Not Exist”, 2020. (© Courtesy Michael Rakowitz/Rhona Hoffman Gallery, Chicago)

Michael Rakowitz, détail de la série “The Invisible Enemy Should Not Exist”, 2020. (© Courtesy Michael Rakowitz/Rhona Hoffman Gallery, Chicago)

Michael Rakowitz, détail de la série “The Invisible Enemy Should Not Exist”, 2020. (© Courtesy Michael Rakowitz/Rhona Hoffman Gallery, Chicago)

Michael Rakowitz, détail de la série “The Invisible Enemy Should Not Exist”, 2020. (© Courtesy Michael Rakowitz/Rhona Hoffman Gallery, Chicago)

Michael Rakowitz, détail de la série “The Invisible Enemy Should Not Exist”, 2020. (© Courtesy Michael Rakowitz/Rhona Hoffman Gallery, Chicago)

Michael Rakowitz, détail de la série “The Invisible Enemy Should Not Exist”, 2020. (© Courtesy Michael Rakowitz/Rhona Hoffman Gallery, Chicago)