Insoumis et génial, David Hammons expose son travail protéiforme à la Bourse de Commerce

Insoumis et génial, David Hammons expose son travail protéiforme à la Bourse de Commerce

Image :

© Anthony Barboza/Getty Images

photo de profil

Par Lise Lanot

Publié le

C’est la première fois qu’une expo d’une telle envergure consacrée à l’artiste de 78 ans est organisée en France.

David Hammons a 78 ans, une carrière longue de près de quarante ans et un poids certain dans le monde de l’art contemporain, notamment outre-Atlantique où le prix de ses œuvres a par exemple grimpé jusqu’à 8 millions de dollars aux enchères en 2013 (pour Untitled). Également récipiendaire de la bourse MacArthur (aussi connue sous le nom de “subventions de génie” – notre titre n’employait pas le mot “génial” au hasard) en 1990, l’artiste refuse de se plier aux règles du marché de l’art.

À voir aussi sur Konbini

En 2016, un article d’Artnet soulignait les désirs d’indépendance et d’insoumission de l’artiste, à l’écart des musées, des galeristes ou des salles de vente : “La façon dont je vois les choses, c’est que la biennale du Whitney et Documenta ont besoin de moi, mais moi, je n’ai pas besoin d’elle.” 

Vue de l’exposition David Hammons. (© David Hammons/Bourse de Commerce/Collection Pinault/Photo : Aurélien Mole)

L’exposition qui lui est actuellement consacrée à la Bourse de Commerce fait donc figure d’exception en France. Une trentaine de ses œuvres (dont certaines font partie de la collection Pinault depuis des décennies) y sont présentées, la moitié n’ayant “jamais [été] montrée dans de précédentes expositions de la collection”.

“Une grande œuvre a toujours une dimension politique”

Découvrir rassemblées autant d’œuvres de David Hammons permet d’appréhender le travail d’un artiste qui se moque de coller à une identité visuelle et artistique unique, lui qui aurait d’ailleurs affirmé “ne jamais [avoir] aimé l’art”. Une constante chez l’artiste néanmoins : son militantisme, à travers son art et ses actions. En décembre 2019, le New Yorker soulignait, dans un article intitulé “David Hammons suit ses propres règles”, que sa “générosité envers d’autres artistes noirs – en achetant leurs œuvres et les aidant à se faire connaître –” était illimitée, “bien que peu connue”. 

À la Bourse de Commerce, le parcours consacré à David Hammons débute par une œuvre intitulée O say can you see (soit les premiers mots de “The Star-Spangled Banner”, l’hymne national états-unien). On y voit le drapeau Stars and Stripes aux couleurs du drapeau panafricain, lacéré et criblé de balles que l’artiste a lui-même tirées, révélant toute la violence de l’histoire de son pays. Coïncidence, la veille de l’accrochage de l’œuvre à la Bourse de Commerce, des soutiens de Trump attaquaient le Capitole à Washington D.C.. 

Plus loin, on se retrouve face à une œuvre qui semble bien plus abstraite. Une immense bande de papier est couverte d’un dégradé de nuages gris. À y regarder de plus près, on comprend le procédé de David Hammons : ce dernier a dribblé sur son support avec un ballon de la NBA (le symbole de la ligue est visible à un endroit de l’œuvre) préalablement plongé dans une solution graisseuse et de la graphite.

Untitled (Basketball Drawing) marque l’engagement physique de l’artiste dans son travail – qui a aussi collé ses cheveux sur d’autres de ses œuvres. Les références au basket sont légion chez David Hammons, qui critique la façon dont le sport et la musique constituent, dans une grande majorité de cas, les seules possibilités d’ascension et de reconnaissance sociales pour les personnes noires aux États-Unis.

Vue de l’exposition David Hammons, avec High Level of Cats (1998) et Basketball Drawing (2008). (© David Hammons/Bourse de Commerce/Collection Pinault/Photo : Aurélien Mole)

En miroir de ces réflexions sur l’assignation, l’artiste traite également de l’incarcération massive de personnes noires dans les prisons états-uniennes. La dernière œuvre du parcours est particulièrement marquante. Une “cage de métal aux proportions d’une cellule” est installée dans une petite pièce sombre dont les murs sont toujours recouverts du “décor original” du bâtiment, une carte du monde datant de la fin du XIXe siècle “figurant les routes du commerce à l’apogée de la période d’expansion coloniale de l’Occident”. La cellule de prison répond à cette tapisserie coloniale, condamnant l’esclavage moderne que constitue le système d’incarcération aux États-Unis.

Jusqu’au 31 décembre 2021, la Bourse de Commerce propose une incursion à l’intérieur de l’univers riche, protéiforme et engagé d’un artiste qui invite son public à la réflexion et à la remise en question.

Vue de l’exposition David Hammons. (© David Hammons/Bourse de Commerce/Collection Pinault/Photo : Aurélien Mole)

Vue de l’exposition David Hammons, avec Central Park Fusion (1990). (© David Hammons/Bourse de Commerce/Collection Pinault/Photo : Aurélien Mole)

Vue de l’exposition David Hammons, avec Cultural Fusion (2000). (© David Hammons/Bourse de Commerce/Collection Pinault/Photo : Aurélien Mole)

Vue de l’exposition David Hammons. (© David Hammons/Bourse de Commerce/Collection Pinault/Photo : Aurélien Mole)

L’exposition consacrée au travail de David Hammons est visible à la Bourse de Commerce (Paris) jusqu’au 31 décembre 2021.

Konbini arts, partenaire de la Bourse de Commerce.