C’est quoi… l’art modeste ?

C’est quoi… l’art modeste ?

Image :

© Catherine Panchout/Sygma via Getty Images

photo de profil

Par Lise Lanot

Publié le , modifié le

Pour comprendre les grands mouvements artistiques et ne plus hocher la tête les yeux dans le vide quand on vous parle d’art.

Vous avez déjà hoché la tête, les yeux dans le vide, espérant qu’on ne vous demande pas plus de précisions sur le sujet dont on vous parle depuis dix minutes ? C’est pour éviter ce genre de situations, proposer des pistes de réflexion et démocratiser l’accès à l’histoire de l’art que nous vous concoctons cette série d’articles dédiée aux grands mouvements artistiques. Cette semaine, dans notre viseur, après l’art brut et l’art symboliste, l’art modeste.

À voir aussi sur Konbini

Comment l’art modeste est-il né ?

La légende, rapporte Beaux-Arts Magazine, raconte que le terme d’art “modeste” est apparu à la fin des années 1980, grâce au lapsus d’une enfant. En entendant une petite fille demander à sa mère : “Quand est-ce qu’on reviendra au Musée des arts modestes ?”, à la place de moderne, l’artiste Hervé Di Rosa a l’idée de donner vie à un nouveau chemin de réflexion au sein de l’art contemporain.

L’artiste peintre français Hervé Di Rosa devant ses œuvres au McDonald’s de Montpellier le 25 juillet 1991. (© Éric Catarina/Gamma-Rapho via Getty Images)

Cette confusion enfantine aurait motivé l’artiste à placer sur un même plan toutes les créations, sans hiérarchie ni frontières entre œuvres d’art, objets d’artisanat ou productions commerciales. Cela l’a également poussé à interroger la modestie et l’orgueil de l’art. À l’éternelle question “qu’est-ce qui définit une œuvre d’art ?”, Hervé Di Rosa offre une réponse ouverte, sans limite, grâce à l’art modeste qui ne nécessite ni codes, ni références.

L’art modeste, qu’est-ce que c’est ?

Hervé Di Rosa y tient, l’art modeste, ce n’est “pas un genre”, tel qu’il l’affirmait au micro d’Édouard Baer sur Radio Nova : “C’est juste un regard, une manière de regrouper des productions artistiques. Ça peut être des productions faites en millions d’exemplaires et qu’on ne regarde pas, ça peut être des figurines en plastique faites pour des mauvaises raisons, des raisons commerciales, et qui, hors de leur contexte publicitaire, deviennent une forme de source nouvelle.”

“L’art modeste, c’est le kitsch sans le second degré”, poursuit celui qui a également fait partie du mouvement de la figuration libre et qui insiste sur son “envie de fabriquer des images”, tout simplement. Le banal devient œuvre d’art grâce à l’attention et au regard affectif qu’on y porte, qu’importe qu’il s’agisse d’une figurine en plastique produite en usine ou un objet d’artisanat.

À la différence de l’art conceptuel, l’idée ne prime pas sur l’objet. C’est l’objet lui-même, sans réflexion particulière ni concept associé, qui fait l’art. Toute œuvre est potentiellement modeste, tant qu’elle se déleste des problématiques spéculatives d’un marché de l’art – qui, pour résumer, se regarde le nombril.

C’est une sortie de l’ego de l’artiste que prône Hervé Di Rosa, une ouverture sur le monde, un effacement des frontières de l’art et des distinctions de valeurs. L’artiste modeste ne vise pas l’élite mais s’adresse à tout le monde.

“L’art modeste est une entreprise de valorisation du marginal et du méprisé. Il nous invite à passer outre le bon et le mauvais goût, la valeur marchande, pour au contraire considérer attentivement certains objets inclassables, en déceler les inventions formelles et en démonter les fascinants mécanismes émotionnels.

Un art qui fait battre le cœur.
Des objets attirants, fragiles et touchants.
Un art sans âge, sans lieu.
Un art bon marché.
Un art de plus en plus présent dans notre quotidien”, décrit l’artiste.

Qui sont les artistes de l’art modeste ?

Aux côtés du “concepteur de l’art modeste” Hervé Di Rosa, on retrouve l’artiste Bernard Belluc, l’artiste botaniste Liliana Motta et les frères sculpteurs, Calixte et Théodore Dakpogan. L’art modeste n’ayant pas d’étiquette, il s’étend à tous les domaines, pictural, littéraire, théâtral ou musical. Les musiciens Pascal Comelade et Général Alcazar (décédé en 2013) ont ainsi “composé en août 2000 un hymne” destiné au public du Musée international des arts modestes (MIAM).

Et aujourd’hui ?

Hervé Di Rosa et Bernard Belluc ont fondé, en novembre 2000, le MIAM, à Sète. En plus d’une collection permanente (constitué de “milliers d’objets emblématiques de l’art modeste, objets aimés et collectionnés, manufacturés ou artisanaux”), le musée présente des expositions temporaires et se veut être “un laboratoire ouvert aux artistes de toutes générations et de tous horizons”.

En 2019, le musée se réjouissait d’avoir présenté “les œuvres de plus de 700 artistes français et internationaux de toutes générations, de toutes origines, de toutes pratiques” : “Les expositions du MIAM ont souvent été à l’avant-garde dans la divulgation de mouvements artistiques marginaux ou novateurs.”

L’objectif du MIAM, résume Hervé Di Rosa, est de “comprendre les relations entre les arts savants et les arts populaires” et mettre à l’honneur “toutes ces créations un peu méprisées, un peu marginales qui influencent les artistes”.

L’artiste Hervé Di Rosa dans son atelier le 9 septembre 2016, à Paris. (© Catherine Panchout/Sygma via Getty Images)

Jusqu’au 18 septembre 2022, le MIAM présente une nouvelle exposition intitulée “Fictions Modestes & Réalités Augmentées”.