Le douleur du deuil liée aux meurtres de personnes noires au cœur d’une expo poignante

Le douleur du deuil liée aux meurtres de personnes noires au cœur d’une expo poignante

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© Jennifer Packer/Whitney Museum of American Art/Sikkema Jenkins & Co./Jason Wyche ; Matt Grubb

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Par Lise Lanot

Publié le

Entre abstraction et figuration, la peintre Jennifer Packer traite des violences de la société états-unienne.

“Mon inclination à peindre […] est complètement politique. Notre place est ici. On mérite d’être vus et reconnus à temps. On mérite d’être entendus et représentés avec générosité et justesse”, déclare la peintre Jennifer Packer en parallèle de son exposition “The Eye Is Not Satisfied With Seeing”, visible en ce moment au Whitney Museum de New York. 

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L’exposition rassemble une trentaine d’œuvres de l’artiste, réalisées ces dix dernières années. Réunis, les tableaux prennent tout leur sens et abordent les thématiques chères à Jennifer Packer : la représentation des personnes noires et la mise en lumière du deuil et des traumatismes engendrés par les meurtres d’anonymes noir·e·s. 

Jennifer Packer, A Lesson in Longing, 2019. (© Jennifer Packer/Whitney Museum of American Art/Sikkema Jenkins & Co., Corvi-Mora/Photo : Ron Amstutz)

 

L’abstraction pour raconter la douleur

À travers ses toiles, Jennifer Packer fait référence à des faits précis, les décès de Breonna Taylor (dans Blessed Are Those Who Mourn (Breonna! Breonna!), 2020) ou Sandra Bland (dans Say Her Name, 2017) par exemple, tout en y insufflant une abstraction sensible et salutaire. L’artiste brouille les traits, inflige traces et coulées de peintures à ses réalisations, comme pour figurer l’horreur des faits et la douleur, chronique, infligée aux familles noires états-uniennes.

En parallèle de ses portraits, les natures mortes de Jennifer Packer n’échappent pas à cette réflexion iconographique sur la perte, le deuil et l’éphémérité de l’existence – à la manière des vanités de la Renaissance flamande. La peintre décrit ces œuvres comme des “bouquets funéraires” et des “réceptacles de deuil”, à l’instar de Say Her Name, le tableau réalisé en réaction au décès de Sandra Bland, précise le Whitney.

Jennifer Packer, Say Her Name, 2017. (© Jennifer Packer/Sikkema Jenkins & Co./Photo : Matt Grubb)

La peintre travaille plusieurs mois, voire plusieurs années, à une œuvre, afin d’en travailler toutes les couches – et on parle ici autant de couches de matières que de couches de symboles. Le titre de l’exposition “The Eye Is Not Satisfied With Seeing” (“L’œil ne se rassasie pas de voir”, une référence au verset biblique des Ecclésiastes 1:8, précise Artsy) souligne le besoin de l’artiste d’entrer dans le domaine sensoriel, s’éloignant d’un travail purement littéral. 

Ce mélange de “fidélité de la représentation” et de “liberté de l’abstraction”, de travail “d’observation, de mémoire et d’improvisation” permet à Jennifer Packer de proposer un corpus d’œuvres qui impose sa marque dans l’histoire états-unienne et met en exergue “ce qui est rendu visible – ou pas – dans la culture américaine”.

 

Jennifer Packer, Transfiguration (He’s No Saint), 2017. (© Jennifer Packer/Whitney Museum of American Art/Sikkema Jenkins & Co., Corvi-Mora/Photo : Jason Wyche)

Jennifer Packer, For James (III), 2013. (© Jennifer Packer/Sikkema Jenkins & Co./Photo : Marcus Leith)

Jennifer Packer, Cumulative Losses, 2012–17. (© Jennifer Packer/Sikkema Jenkins & Co., Corvi-Mora/Photo : Marcus Leith)

Jennifer Packer, The Body Has Memory, 2018. (© Jennifer Packer/Whitney Museum of American Art/Sikkema Jenkins & Co./Photo : Jason Wyche)

Jennifer Packer, Tia, 2017. (© Jennifer Packer/Sikkema Jenkins & Co./Photo : Matt Grubb)

L’exposition de Jennifer Packer “The Eye Is Not Satisfied With Seeing” au Whitney Museum jusqu’au 17 avril 2022.