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Des couples d’hommes gays photographiés en toute intimité dans les années 1980

Des couples d’hommes gays photographiés en toute intimité dans les années 1980

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© Sunil Gupta/Hales Gallery/Stephen Bulger Gallery/Vadehra Art Gallery

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Par Lise Lanot

Publié le

En pleine épidémie du sida, Sunil Gupta a mis en lumière la "sous-culture gay qui survivait" face à l'homophobie des années 1980.

Un cœur brisé peut mettre plus bas que terre la personne qui le porte, mais peut parfois aussi l’élever artistiquement. C’est ce qui est arrivé à Sunil Gupta en 1984. Né en Inde, immigré au Canada à 15 ans, c’est au moment où il “résout ses problèmes d’immigration et que tout semble enfin se mettre en place” pour lui, que son compagnon le quitte.

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C’est la fin de sa première relation longue et le jeune homme, sous le choc, décide de partir à la recherche de couples gays “afin de savoir ce qui avait fait tenir leur couple”, nous confie-t-il. Entre 1985 et 1986, Sunil Gupta photographie des amoureux rencontrés autour des “quartiers gays du West London, du côté de Earl’s Court, South Kensington, Hammersmith et Fulham”.

“Dylan et Gerald”. (© Sunil Gupta/Hales Gallery/Stephen Bulger Gallery/Vadehra Art Gallery, DACS 2020)

“Ça a commencé avec des couples que je connaissais, puis qui m’en suggéraient d’autres. Parfois, j’approchais des couples dans des pubs ou discothèques. La plupart étaient des gens que je connaissais ou que mes amis connaissaient. Je n’avais pas pour objectif de faire une étude anthropologique, j’étais juste heureux de photographier un groupe social”, rapporte-t-il.

Passionné de photographie (et de cinéma), il s’approprie la pratique en autodidacte à l’adolescence et au cours de ses études en école de commerce. Avant ses 30 ans, il se consacre à la photo et suit les cours de Lisette Model et Philippe Halsman à la New School de New York avant de retourner à Londres.

“Ian et Julian”. (© Sunil Gupta/Hales Gallery/Stephen Bulger Gallery/Vadehra Art Gallery, DACS 2020)

Il photographie ses modèles en monochrome, influencé par “la photo moderniste des années 1950 et ses pleins formats en noir et blanc”, conservant la même pellicule et technique de développement tout au long de son projet. Sa “formation documentaire” le conduit à ne pas vouloir mettre en scène et diriger les couples : “Je voulais simplement les photographier chez eux et qu’ils fixent l’objectif.”

Une portée sociale, politique et romantique

Sunil Gupta rappelle que les années 1980 constituaient “une période d’intense homophobie dans la presse britannique”. Ce n’est qu’en 1967 que l’Angleterre dépénalise l’homosexualité (et en 2016 que le gouvernement amnistie les hommes condamnés pour homosexualité avant cette date).

“Ian et Pavlik”. (© Sunil Gupta/Hales Gallery/Stephen Bulger Gallery/Vadehra Art Gallery, DACS 2020)

Une dizaine d’années après cette légalisation, l’épidémie du sida fait rage et les “hommes gays sont attaqués de toute part” : “Les médias ont tout fait pour montrer les hommes gays comme des personnes malades et irresponsables. Ils étaient presque exclusivement montrés comme malades. Des patients d’une maladie incurable assimilée à leur sexualité.”

C’est pourquoi Sunil Gupta souhaitait montrer la “sous-culture gay qui survivait malgré l’opposition des années 1970 et 1980” et le fait que ses modèles “parvenaient à mener des existences épanouissantes malgré les préjugés rampants qu’ils subissaient”. Malheureusement, souligne-t-il, “les personnes immortalisées n’ont pas toutes survécu à l’épidémie”. Ce n’est pas pour autant que ses images se veulent être “commémoratives du sida”.

“Emmanuel et David”. (© Sunil Gupta/Hales Gallery/Stephen Bulger Gallery/Vadehra Art Gallery, DACS 2020)

Plus de 35 ans après avoir été réalisée, cette série a conservé toute sa portée. La moitié des images a été achetée par la Tate en 2018, deux ans avant d’en faire l’objet d’un livre, Lovers, Ten Years On.

Si son travail n’a pas apporté toutes les réponses escomptées à Sunil Gupta (quant à savoir ce qui fait tenir un couple), il espère qu’il inspirera d’autres personnes, quant à l’affirmation de leur sexualité et aussi, plus largement, quant à leur façon de vivre l’amour.

“Brian et Pas”. (© Sunil Gupta/Hales Gallery/Stephen Bulger Gallery/Vadehra Art Gallery, DACS 2020)

“Eddie et Jeff”. (© Sunil Gupta/Hales Gallery/Stephen Bulger Gallery/Vadehra Art Gallery, DACS 2020)

“Roger et Steve”. (© Sunil Gupta/Hales Gallery/Stephen Bulger Gallery/Vadehra Art Gallery, DACS 2020)

“Simon et John Paul”. (© Sunil Gupta/Hales Gallery/Stephen Bulger Gallery/Vadehra Art Gallery, DACS 2020)

Vous pouvez retrouver Lovers, Ten Years On, le livre de Sunil Gupta, aux éditions Stanley Barker.

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