L’adolescence, ses remous et pertes de repères, racontée dans une belle série photo

L’adolescence, ses remous et pertes de repères, racontée dans une belle série photo

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© Eva Verbeeck

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Par Lise Lanot

Publié le

Depuis 2018, Eva Verbeeck photographie de jeunes états-uniennes pour raconter cette "période de transition émotionnelle".

“I’m Not a Girl, Not Yet a Woman”, chantait Britney Spears en 2009. Près de cinquante ans plus tôt, Sylvia Plath écrivait, à travers la voix de sa narratrice de 19 ans dans La Cloche de détresse : “Je me sentais très calme, très vide, comme doit se sentir l’œil d’une tornade qui se déplace tristement au milieu du chaos généralisé.”

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Les années passent mais certaines choses ne changent pas, et le tourbillon des remous adolescents en fait sûrement partie. C’est sans doute pour cela que la photographe belge Eva Verbeeck a choisi de s’intéresser à ce thème intemporel, le passage à l’adolescence, auprès de jeunes filles états-uniennes.

© Eva Verbeeck

Ayant à cœur de “raconter des histoires” et chérissant “la justice sociale, la culture jeune et le militantisme”, la photographe repérée par It’s Nice That signe avec America’s Girls une série de portraits documentaires touchants.

Inspirée par la volonté de “montrer tous les talents et la multitude de facettes de ces ados”, Eva Verbeeck photographie depuis 2018 des jeunes filles croisées outre-Atlantique. Nous avons interrogé l’artiste, qui met un point d’honneur à donner un espace de confiance et de parole à ses modèles et à leurs ressentis.

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Konbini arts | Salut Eva ! Pourquoi avoir décidé de te consacrer à un travail sur l’adolescence aux États-Unis ?

Eva Verbeeck | J’ai grandi en Belgique, effectivement, et j’idolâtrais vraiment la culture des États-Unis. Je lisais des magazines et je rêvais de ressembler aux belles femmes que je voyais sur les publicités de papier glacé. Maintenant que je vis aux États-Unis, je vois les choses de façon plus nuancée, et je m’attache désormais à représenter le rôle des jeunes femmes au sein de la société états-unienne.

Si je m’intéresse à l’adolescence, c’est en tant que période de transition éphémère et de découverte émotionnelle. Les jeunes filles vivent des changements extrêmement rapides lors de leur adolescence et, pour nombre d’entre elles, cette période de transition est la plus difficile de leur vie.

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“Les attentes qui hantent les femmes depuis tous les recoins de la société sont difficiles à vivre pour des jeunes filles.”

Notre corps grandit, se développe et on est entourées d’images de ce à quoi on est “supposées” ressembler. Les attentes qui hantent les femmes depuis tous les recoins de la société sont difficiles à vivre pour des jeunes filles. Elles peuvent croire qu’elles ne sont pas à la hauteur.

On doit parler de ces idéaux complètement irréalistes qui pèsent sur les jeunes femmes. S’il est parfois difficile d’en parler avec des mots, le médium photographique est parfait pour traiter le sujet. Mon but à long terme est de créer un corps de travail diversifié et inclusif, qui montre la beauté dans sa forme la plus pure et vraie.

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“Tandis que les modèles se mettent en place puis s’immobilisent, je vois leurs barrières tomber.”

Qui sont tes modèles ?

Jusqu’ici, j’ai photographié des jeunes états-uniennes âgées de 6 à 16 ans. J’essaie de créer un réseau de confiance autour de mon travail. Je prépare les séances des semaines, voire des mois, à l’avance. Je parle à des parents, des écoles et des clubs sportifs de mon travail, et je leur demande s’ils connaissent des personnes intéressées.

Le jour de la séance, je me présente, on parle et je pose pas mal de questions aux modèles avant de les photographier. On passe du temps à parler de ce qui les intéresse, de ce qu’elles trouvent beau chez elles, comment elles se sentent pendant cette période de transition, etc.

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Après ça, je prépare mon appareil et je les laisse choisir une pose confortable. Le temps qu’elles s’immobilisent, je vois leurs barrières tomber. C’est un processus vraiment magique. La plupart du temps, je les photographie chez elles, à l’école ou à l’endroit où on se rencontre.

Quel appareil utilises-tu ?

Un appareil grand format 8×10. Le grand format m’aide à présenter la scène de façon large, sincère, un espace sans jugement. L’absence d’écran numérique fait disparaître la pression de voir les photos directement, donc les modèles profitent de cet inconnu. De plus, l’argentique confère une dimension intemporelle aux images.

© Eva Verbeeck

“Je fais de mon mieux pour apprendre à connaître les gens que je photographie, savoir ce qui leur fait peur, les rend heureux ou les motive.”

Que souhaites-tu transmettre avec tes images ?

Je me suis toujours sentie très liée à l’art du portrait et de la narration. J’adore essayer de trouver un moment calme ou un petit geste quand je photographie quelqu’un, capter quelque chose qui me laisse voir qui est vraiment cette personne. Je fais de mon mieux pour apprendre à connaître les personnes que je photographie, savoir ce qui leur fait peur, les rend heureuses ou les motive.

L’intimité que j’essaie de créer lors des séances confère à chaque photo une identité visuelle particulière. Cette intimité de fond s’accompagne d’aspects formels plus techniques, concernant le cadrage et le processus photo, par exemple, et je pense que c’est ce contraste qui permet au public de se sentir lié aux images.

© Eva Verbeeck

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Vous pouvez retrouver le travail d’Eva Verbeeck sur son site et sur son compte Instagram.